Les deux communes ne sont pas identiques
Habay est plus grande et plus peuplée, est au contact direct de voies de communication internationales (rail et route) et de communes riches, compte deux gares ferroviaires, une école secondaire, une piscine, deux moyennes surfaces alimentaires, des hôtels et restaurants réputés, deux parcs d’activité économique, tous éléments qui concourent à en faire un petit pôle urbain en province de Luxembourg, avec pour conséquences immédiates une plus grande densité de population et un coût de l’immobilier plus élevé. Habay est davantage une commune de salariés que d’indépendants, où secteurs Horeca, services, immobiliers sont bien développés ; elle héberge un nombre plus grand d’entreprises, de tailles et de secteurs divers.
Mais l’image de Habay est pour le moins morcelée, éclatée entre Ardenne, Gaume et Pays d’Arlon (Arelerland), entre forêt et plaine résidentielle, entre nature et activités industrielles, entre aisance conférée par les hauts revenus grands ducaux et demande sociale.
Tintigny, moins grande et moins peuplée, plus éloignée du Grand-Duché, est davantage rurale, ouvre sur la vallée touristique, mais plus pauvre, de la Semois, a un parc immobilier plus ancien, souffre moins d’un clivage socio-économique entre habitants, compte un seul petit parc d’activités économique, abrite davantage de travailleurs indépendants, conserve un secteur agricole fort, concentre sa spécialisation dans les secteurs du commerce, du transport et de l’économie sociale, et propose une image harmonieuse de commune gaumaise « où il fait bon vivre », mais sa population est davantage contrainte de se déplacer pour trouver services spécialisés et enseignement secondaire.
Les deux communes partagent une série de caractéristiques
Ces caractéristiques sont d’ordres géographique, démographique, économique, mais également politique : confrontées à des défis de même nature, mais d’intensité variable, elles adoptent des comportements proches.
Leur positionnement géographique doit être considéré comme globalement favorable : il bénéficie de l’aura rurale et touristique de l’Ardenne et de la Gaume, de la proximité de bassins d’emplois importants et dynamiques, d’un flux migratoire positif, composé essentiellement de travailleurs riches. En même temps, faute de constituer par lui-même un pôle économique fort, ce territoire est extrêmement dépendant de l’évolution de cet environnement, auquel il finit par servir de « logement de la main d’oeuvre ». Cette fonction nouvelle du territoire entre partiellement en concurrence avec ses fonctions productives ancestrales, a des conséquences sur son urbanisation et sa cohésion sociale.
Elles tirent donc profit de leur proximité avec le pôle d’emploi que constitue le Grand Duché de Luxembourg (croissance démographique, élévation des revenus), mais en subissent aussi les inconvénients (trafic, pression immobilière, clivages socio-économiques). Cependant Habay est en première ligne et Tintigny, en seconde ligne : l’impact est donc frontal sur la première, amorti sur la deuxième. Elles acquièrent ainsi progressivement un statut et une fonction de communes résidentielles (ou « dortoirs »). Un ressac de l’économie grand-ducale les affecterait dans des proportions probablement identiques.
Le tissu économique est essentiellement composé de PME et TPE. Les zones d’activité économiques, d’âge variable, ne suffisent pas, dans leur configuration et équipement actuels, à garantir l’accueil d’enreprises supplémentaires. L’économie sociale marchande occupe une place importante dans le paysage économique de Tintigny.
Les taux d’emploi et d’activité, presque identiques, montrent une population au travail. Le chômage, bien contenu, ne plombe pas le développement socio-économique du territoire. Emploi et revenus sont, dans les chiffres, satisfaisants, mais généralement leur source est extérieure au territoire, ou de nature publique. Il est en outre notable que la majeure partie des travailleurs sont des salariés et que l’emploi salarié local relève majoritairement du secteur tertiaire public.
Toutes deux voient donc leur population augmenter et en particulier la part des jeunes croître. Cette réalité se traduit par des besoins en infrastructures (lotissements, terrains et halls sportifs, écoles, aménagements de sécurité) et personnel (enseignant) qu’elles doivent assumer. Cette population est cependant contrainte de trouver écoles supérieures, emplois, services et commerces spécialisés en dehors du territoire. Cette contrainte rend le territoire difficile à vivre pour certains publics particuliers.
La question de l’accès au logement, sinon à la propriété, pour tous est un problème épineux pour les deux communes, vu le différentiel de revenus entre travailleurs belges et frontaliers, vu la raréfaction de terrains à bâtir et la rareté de logements locatifs. Une frange de la population se trouve en grande précarité ; la demande en logements sociaux va ainsi croissant. L’harmonie entre bâtis ancien et contemporain, l’extension des villages constitue un autre problème sensible. Le logement et l’aménagement du territoire sont progressivement devenus des préoccupations politiques majeures.
Toutes deux jouissent d’un environnement naturel abondant et de qualité reconnue. Elles ont une forte identité forestière. Cette prégnance de la nature se traduit en de multiples projets environnementaux inscrits dans divers programmes (PCDN, Contrat Rivière, Parc naturel, GAL), mais peu en activités économiques locales.
Toutes deux voient, mais dans des proportions différentes, l’agriculture d’élevage traditionnelle reculer, en nombre de fermes et d’exploitants, pas en S.A.U. Mais les agriculteurs locaux entreprennent, opérateurs de développement à l’appui, divers projets de diversification. L’augmentation des fermes et surfaces converties à l’agriculture biologique traduit aussi une évolution du secteur.
Toutes deux connaissent une vie culturelle dense, portée à la fois par des opérateurs professionnels reconnus (Centres culturels, bibliothèques) et par de nombreux groupements amateurs. Le territoire propose quelques rendez-vous populaires importants, mais n’offre pas de pôle d’attraction permanent. La culture est, avec le sport, un secteur dans lequel les deux communes investissent.
Toutes deux sont engagées dans de multiples programmes de développement à échelles variables, communale et intercommunale, pratiquent ainsi une politique d’ouverture, de partenariat, de projet et sont coutumières des procédures de consultation de leur population.
On peut tenter de résumer ainsi globalement l’ensemble des défis énoncés :
– comment animer, équiper et aménager le territoire pour qu’il réponde au mieux, d’une part aux besoins d’une population dont le nombre, les profils, les habitudes et besoins évoluent, d’autre part aux besoins et demandes des commerces et des entreprises, enfin aux défis majeurs du temps présent : lutte contre le réchauffement climatique, économie d’énergie, intermodalité, conséquences de la crise économique ?
– Comment anticiper les évolutions à venir au Grand Duché de Luxembourg ?
– Comment articuler entre eux les objectifs et actions des structures et programmes de développement et d’animation à l’oeuvre sur chacune des deux communes ?
– Comment ne pas laisser le territoire s’enfermer dans une fonction de transit, de résidence, de réserve naturelle et de musée de l’élevage, sans pour autant le dénaturer ?
– Comment tirer le meilleur parti possible de la présence de cette population croissante, jeune et globalement aisée pour développer l’économie locale ?
– Comment faire exister et rayonner ce territoire au-delà de ses frontières ?